Glorry Boom, ou la rançon de la gloire.

Publié le par Byron

9782213661568Que se passe t'il lorsqu'un "it boy", star contemporaine à la sauce télé-réalité, qui ne doit sa célébrité qu'à son oisiveté, ouvre les yeux sur sa propre existence et sa propre passivité? C'est ce qu'on découvre en parcourant les quelques 260 pages du premier roman de Killian Arthur, Glory Boom, publié chez Fayard Roman.

Pour le consulter, c'est ici.

 

Résumé de l'éditeur:

A 27 ans, Avril Alken est ce que notre époque à produit de plus fascinant, c'est à dire le pire: une célébrité sans talent, un artiste sans art, un monstre sacré par Youtube. De Londres à Hollywood en passant par Las Vegas, sa confession nous invite à le suivre au pays des merveilles où fiction et réalité se confondent sous l'effet des flash, des pilules, et des étranges menaces de mort qu'il reçoit.

Une fresque pop, trash et palpitante. Le portrait d'une génération qui rêve d'entrer dans l'Histoire sans en écrire une ligne: celle du Glory Boom.


- Des pilules, des filles, de la drogue... encore.

 

Encore. C'est ce qu'on est tenté de dire quand on commence Glory Boom. On ne peut s'empêcher d'avoir l'impression qu'on essaie encore une fois de nous faire ingurgiter le même plat pour la vingt-cinquième fois de suite. Le cynisme, le trash sont à la mode et depuis le succès de Hell, les éditeurs sont friands de ces petites perles de sarcasmes. Pour ma part, je commence à être lassé d'entendre constamment parler de 16-25 ans qui se défoncent non stop (d'autant que tous le monde n'est pas Jay MacInerney) dans ces romans qui suivent toujours le même schéma:

 

1. Description du personnage principal:(Chapitre 1, parfois 2) En général, il est riche; beau; brillant; et extrêmement lucide. Ce qui avait son charme dans Hell devient aujourd'hui trop redondant. 

 

2. Le personnage dans son environnement: (Chapitre 2 à 6/7, le plus gros du livre en général) Où l'on apprend que le personnage principal ne fréquente que d'autres prototypes de son genre et qu'il méprise le reste du monde. Dans Glory Boom, Killian Arthur traduit ce mépris avec, par exemple, le personnage secondaire d'une certaine Carla dont il est incapable de mémoriser le nom, et qu'il nomme donc "Carla Je-ne-sais-plus-quoi".

 

3. La prise de conscience: Le personnage sent le vide de sa situation, et ça l'obsède. Suit souvent un réflexe très étrange: il décide de se droguer et de baiser encore plus qu'avant pour échapper à sa condition de riche complètement fou qui est si difficile... Peu crédible.

 

4. L'arrivée d'un personnage salvateur: Dans Glory Boom, c'est le personnage de Mia qui joue ce rôle. Le narrateur tombe fou amoureux de sa "normalité". 


5. Ouai, mais en fait non: En général parce qu'il a vraiment trop déconné avant; la rédemption lui est refusé. Tout finit dans le drame, ou presque.

 

ASSEZ!


Killian Arthur ne déroge pas à ce modèle pré-établi. Néanmoins, il parsème son roman de petites phrases qui tranchent un peu avec les autres roman du genre: une certaine neutralité et un recul visible sur sa propre situation, quelques références, littéraires ou pas qui crédibilisent la prise en main du narrateur. La drogue et le sexe sont presque recalé au simple niveau d'éléments du décor, et cachent souvent des questions plus profondes: la vénalité des filles qui couchent avec lui, le monde en toc dans lequel il évolue... etc...

 

-Boddyguard:


paris_hilton.jpgAvril Alken, notre narrateur, est un Paris Hilton masculin. On se surprend à lui trouver, au fil des pages, de nombreuses qualités et de nombreux défauts qui le rende presque attachant, mais sur lesquelles Killian Arthur aurait pu judicieusement insisté un peu plus. Je trouve que les passages qui exprime le mieux ce côté très "humain" du narrateur sont ceux où il est confronté à son garde du corps, Miles. Celui-ci, irréprochable, lui assure une protection et une enquête efficace lorsqu'un stalker menace la vie d'Avril. Je le jeune garçon éprouve à tour de rôle reconnaissance, mépris, et besoin de cette figure rassurante. J'ai perçus dans ces quelques scènes l'épisode relationnel le plus intéressant et le mieux traité de Glory Boom. Miles reste toujours "à sa place" malgré le ton très familier qu'emploie Avril avec lui: il y a donc illustration du mépris du it boy pour les gens qu'il considère lui même comme étant "moyen" et qui sont symbolisé par Miles. On découvrira à la fin du livre qu'il possède tous les attributs de l'homme classique du 21ième siècle: son appartement est petit, sa décoration vient en grande partie d'Ikéa, il lit des magasines people... etc... Avec Miles, c'est donc la confrontation d'Avril est du monde réel dont il a toutefois bien besoin. Le personnage d'Avril prend lui aussi un sens tout autre avec cette relation: le fait, tout simplement, qu'il possède un garde du corps nous montre la sphère dans laquelle il évolue, et anticipe sur la paranoia dont il fera preuve dans les dernières pages du bouquin. Il est très familier avec son employé qui ne lui manque jamais de respect, et se permet d'user de son appartement comme bon lui semble (avec quelques circonstances atténuantes que vous comprendrez en lisant le livre).


Détaillons les autres relations les plus intéressantes:

 

-Avril et ses amis: S'ils sont sensés avoir chacun leur caractère, ils n'en demeurent pas moins assez semblables au final. Ils vivent plus ou moins dans l'ombre du narrateur, et de son prestige, et sont tous plus ou moins de mauvais conseil. On sent le héros passif, dans leur relation,  et ses amis ne sont ici qu'un élément du "grand délire" qu'est la vie d'Avril.Seul le personnage de Max sort un peu de cette drôle de norme: c'est un personnage plus terre à terre, partie intégrante de la grande révélation finale, une bribe de réalité dans le monde démentiel du strass et des paillettes.

 

-Avril et ses parents: Un père sous le feu des projecteurs, une mère dont il est question sur moins de 20 lignes maximum, c'est ce manque d'autorité parentale qui permet à Avril tant de liberté: il vit dans un monde sans contrainte, où l'argent et la célébrité coule de source. Certains avancent dors et déjà la théorie de la figure parentale représentée par Miles et Rachel/Karen par procuration. J'aurais pour ma part tendance à réfuter un peu ce point de vue: je pense que Killian Arthur aurait plus insisté sur ce rôle si tel avait été son envie, et si Miles représente incontestablement la figure protectrice et rassurante de Glory Boom, Rachel et Karen ont, quant à elles, le rôle de rappeler Avril à ses obligations. On ne saurait néanmoins pas scléroser le rôle des parents à ses deux seuls aspects qui limiteraient l'importance des géniteurs dans un bouquin qui traite avant tout de l'évolution d'un jeune adulte. 

 

2287392539 small 3-copie-1-Avril et Jessica Simpson: Personnage très intéressant que cette Jessica Simpson! Dans Glory Boom, elle incarne la starlette par excellence. J'ai apprécié le fait que l'auteur ait ainsi mis en scène de "vrais" noms du quotidien, ce qui joue sur le réalisme de son livre, bien sur, mais ce qui permet aussi d'assimiler le monde d'Avril au monde de ses stars que nous connaissons vraiment. Elle illustre un travers du marketing de l'image: on veut lui prêter un amourette bidonné avec le héros afin de relancer le commerce de leur image respective. 

 

-Avril et Karen/Rachel: Karen et Rachel pourraient être la même personne. C'est l'élément autoritaire du livre, l'agent d'Avril. C'est ce personnage (pour continuer à assimiler l'une à l'autre) qui rappelle constamment le it boy à son monde de paillettes, et a relation n'a ici aucune valeur littéraire à proprement parler jusqu'à la fin du livre, où l'on découvre un nouvel aspect plus "humain" de Rachel. Celle-ci se lance dans un monologue-psychologique à base de cynisme et d'ironie à faire taire un Freud en pleine forme. 

 

-Avril et Mia: Grosse, grosse déception pour moi. Cette idylle est plutôt mal traité pour une seule et bonne raison: Killian Arthur ne dessine pas ou presque l'évolution du sentiment et de la relation entre les deux protagonistes. On passe en tournant la page du coup de foudre à l'amour fou.  Vient sauver cette romance "à la va-vite", ce jolie paragraphe que je partage avec vous: 


"A la place, j'ai écoute des anecdotes sur le baseball subitement passionnantes, des informations de premier ordre sur les bunt, les home run, les strike out et les hit, j'ai souri, j'ai ri, j'ai servi les verres, j'ai aimé le halibut et je suis même entré dans un débat sur l'art contemporain et la perversité de Larry Clark. Je ne sais pas ce qui m'a pris. C'était dément.

 

Et puis une fois que j'ai été sûr d'avoir correctement dispensé mon air supérieur, je n'ai plus eu qu'un but: enfoncer mes yeux le plus loin possible dans les siens et plonger au plus profond dans sa gorge, derrière ses poumons, vers son coeur, et lui dire en silence qu'elle me rendait fou et que si on ne devait jamais se revoir alors je me lèverais de table après le dessert, je monterais dans la chambre 104; je me jetterais du balcon et je finirais ma vie ce soir, la gueule en sang, fracassé sur le capot d'une Maserati de la même couleur."

 

- Un livre intéressant.

Je ne regrette pas d'avoir dépassé les premières pages et mes a priori et d'avoir continué Glory Boom jusqu'à la fin. Et quelle fin! La névrose prendra ici tout son sens, et on se rendra compte de la complexité du personnage principal qu'Arthur met en place. Afin de ne pas trop spoiler, je préfère ne pas trop m'étendre là dessus, j'y reviendrais peut être plus tard :).

 

Le style est bon. Ne vous attendez pas à tressaillir sous la beauté des mots, les tournures ne tranchent pas non plus par leur poésie, mais le tout tient largement la route. L'auteur alterne des passages somme toute très "plats" avec des paragraphes qui démontrent un réel talent pour ce style. 

Succession de phrases courtes entre lesquelles viennent s'interposer des phrases plus longues, plus construites, et qui ne sont pas sans rappeler des classiques du genre, je pense bien entendu à Mr. Bret Easton Ellis, monsieur Jay MacInerney, et j'en passe. Le tout donne à Glory Boom un rythme dynamique où les éléments se succèdent et ne se ressemblent pas.

 

Ce livre s'adresse aux amateurs du genre. Il est réussi, mais ne constitue pas en soit une prouesse de style et de littérature. A lire un weekend, bien au chaud, d'une traite, pour se divertir un peu l'esprit entre deux classiques.

 

14/20.

 

Byron.

 

A suivre: Mon approche de Lolita, de Vladimir Nabokov.

 

 

 

Publié dans Livres.

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D
<br /> Bonjour Byron,<br /> Je viens de te lire. C'est brillant !<br /> Amitié<br /> F.M<br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Merci F.M, j'essaie de faire de mon mieux! Je ne devrais pas tarder à publier quelques nouveaux articles, à bientôt!<br /> <br /> <br /> <br />