L'attape-coeurs, un gosse, un lac, et des canards.

Publié le par Byron

 

 

 

Présenté par l'inteligencia littéraire du XIXième siècle comme LE roman de l'adolescence , c'est tout naturellement avec un certain empressement que je me suis tourné vers L'attrape-coeurs, de J.D Sallinger.

Avec un certain recul à présent, je dois bien avouer que je garde un léger goût amer de cette lecture... Mettons les choses au clair tout de suite: L'attrape-coeurs n'est pas un mauvais livre en soit, disons plutôt qu'on lui a fait implicitement une sorte de publicité mensongère, en le vantant comme un atout indispensable à la compréhension du moins de 18 ans.

 

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Vous pouvez obtenir de nombreuses informations en cliquant ICI.

Pour les flemmards qui n'ont pas envie de lire, voilà comment on pourrait résumer le live: 

 

L'attrape-coeurs raconte trois jours de la vie d'Holden Caulfield, un cancre américain, renvoyé d'une multitude de collège privée pour son oisiveté. Il se pose de nombreuses questions qui resteront sans réponse et fournit quelques perles de réflexion au fil des pages. A travers une multitude de scènettes et de rencontres sont symbolisés différents caractères qui sont intéressant à étudier en soit mais surtout par la vision qu'Holden à d'eux. Amour, violence, scolarité sont autant de thème qui seront traité par Sallinger.

 

-Rapport familiaux d'Holden Caulfield:

(Vous pouvez lire une analyse plus approfondie de certains personnage ICI)

De ses parents, ont suppose une situation financière aisé, on imagine bien un couple assez lambda... Notre narrateur n'arrête pas de changer d'école privée mais craint la réaction de ses parents, ce qui montre une nature assez préoccupé des adultes. Ils sont cependant relativement absent du livre, et c'est une première surprise: on pourrait s'attendre à voir décrit des rapports enfants/adultes plus conflictuels. On en apprend tout de même plus sur les frères et soeurs d'Holden:

 

    - D.B: Dans ce roman qui est le roman de l'adolescence le plus lu dans le monde, D.B est la figure rassurante du grand-frère, source d'inspiration pour Holden, notamment pour son goût prononcé pour lalittérature. Ce qui est intéressant ici, c'est de constater que le frère qui sert de modèle à Holden est le seul qui a réussi à s'émanciper du cocon familiale. Sans doute libre penseur, sans doute tendancieux humaniste, D.B n'apparait, par exemple, pas une seule fois en dehors des discours de Caulfield.

     - Phoebe: Il nourrit une grande affection pour elle, et conscient de sa situation scolaire, il fonde de grand espoir en elle qu'il définit comme étant brillante et précoce pour son jeune âge. A l'instar de D.B pour lui même, Holden se veut protecteur et rassurant envers sa cadette. Lorsqu'il est seul vers le monde, suite à son départ anticipé du pensionnat, on découvre une réciprocité de la sensation de bien être qui émane de la rencontre de ses deux personnages puisqu'il souhaite sérieusement la voir. 

     - Allie: De Allie on ne sait pas beaucoup de chose, si ce n'est que c'est le frère décédé d'Holden. Certains pourraient regretter que, justement, le ressenti d'Holden soit si peu traité. Pour ma part, je trouve plutôt bien que Sallinger ne soit pas tombé dans l'empathie abusive qu'aurait pu donner de longue page de description, du genre "Si je suis devenu un cancre, c'est parce que j'ai manqué d'un frère."... De plus, cette auto-censure que semble presque s'imposer le narrateur montre en fin de compte sa tristesse de ne pas avoir connu plus que cela son ainé.

 


ANECDOTE:

 

L'assassin de John Lehnon, Mark Chapman, a demandé à l'ex beatles de signer un autographe sur son exemplaire de L'Attrape-coeurs, le matin du 8 décembre 1980, jour du meurtre. il a par la suite déclaré: " Je suis sur que la plus grande partie de moi-même est Holden Caulfield. L'autre doit être le diable".

 


5245-5822.main.jpgCi-contre, J.D Sallinger, auteur pertinent et icone à présent, qui aura toute sa vie fuit les médias.

- Rapport avec ses amis: 

Trois principaux: Ackley, Stradlater et Jane.

 

     - Ackley: Il représente l'échec, physique et moral. Ackley est boutonneux, sale, ronfle... On sent cependant l'affection qu'Holden lui porte, notamment parce qu'après une bagarre qui éclate avec Stradlater , c'est dans la chambre d'Ackley que le narrateur va se réfugier.

"J'ai fini par trouver le bouton. J'ai appuyé. Ackley a replié son bras devant ses yeux. "Bordel" il a dit, "Qu'est ce qui t'es arrivé?" Il parlait du sang, et tout."

- Stradlater: C'est un peu le meilleur ennemis d'Holden; il représente tout ce que celui-ci n'est pas. Il est beau, a du succès, c'est le jeune populaire par excellence. Leur relation est assez virulente, on sent que pour Stradlater, notre narrateur est presque un larbin: il lui donne ses devoirs à faire, le gronde, lui prend ses vêtements...

"Alors c'est parti et je me suis retrouvé au tapis. je me souviens pas si j'étais complètement K.O mais je crois pas. C'est plutôt dur de mettre quelqu'un complètement K.O.  Sauf dans les films. Mais je saignais du nez tout azimut. Quand j'ai rouvert les yeux, le gars Stradlater se tenait juste au dessus de moi. Il avait sous le bras sa foutue trousse de toilette. "Bon Dieu pourquoi que tu fermes pas ta gueule quand on te le dit?". Il avait l'air plutôt énervé. C'était probablement la trouille que je me soie fendue le crâne quand il avait cogné contre le plancher. J'avais rien de cassé. Dommage. Stradlater a dit encore "Putain, tu l'as bien cherché." Ouah. Il avait l'air vachement mal à l'aise."

 

- Rapport avec l'adulte:

 

Il y a dans l'attrape-coeurs une véritable portée morale. Celle ci se traduit par la réaction d'Holden face aux caractères qu'il rencontre. Tout les adultes, notamment, sont assez significatif. L'adulte est alors traité comme la fin de l'évolution de l'homme, en quelque sorte: ils ne se posent plus de questions, ont déjà eu suffisamment de réponse, et conversent avec le héros en étant à 100% ce que la logique veut qu'ils soient. On suppose donc que les adultes sont, somme toute, moins prédisposé que l'adolescent à la réflexion sur le monde qui l'entoure... etc...

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Spencer, son professeur d'Histoire illustre le conflit des générations. Il tente de comprendre Holden mais est trop borné et académique pour comprendre le libre-pensisme (j'aime inventer des termes) d'Holden.

 

Monsieur Antolini, autre professeur d'Holden illustre là encore une rupture entre l'adulte et l'adolescent en effrayant le jeune homme par sa conduite qu'il interprète comme homosexuelle. Quelque part, le narrateur se sent trahit par ce personnage dont il avait une haute estime autrefois: n'est il donc pas concevable qu'il y ai une harmonie entre un élève et son professeur? La découverte du penchant adultérin-pédophilo-homosexuelle (je vous avais prévenu) d'Antolini semble prouvé que non.

 

"Je me suis réveillé brusquement. Je savais pas quelle heure il était ni rien mais j'étais réveillé. Je sentais un truc sur ma tête. Une main. La main d'un type. Ouah, ça m'a foutue une de ses frousses! Ce que c'était, c'était la main de monsieur Antolini. Ce qu'il faisait, il était assis sur le parquet, juste à côté du divan dans le noir e tout, et il me tripotait ou tapotait la tête.  Ouah, je parierais que j'ai bondis à mille pieds d'attitude!"

 


ashton-kutcher-1929029e9a.jpgIl est dangereux de se limiter à la vision Sallingerienne  de l'adolescent. Certes l'attrape-coeurs est baigné d'une certaine poésie. Peut être que le personnage d'Holden Caulfield est attachant, je l'admet. Mais qu'on arrête de le vendre sous la bannière du "roman de l'adolescence par excellence.", pitié! Si c'est de l'adolescence que vous voulez plongez vous plutôt dans "Les Grandes Espérances" de Dickens. Là, oui.

On peut toutefois concevoir un décalage entre l'ado d'hier et l'ado d'aujourd'hui. Sortons un peu du cadre de l'oeuvre et cherchons quel est ce décalage.

 

L'adolescent d'hier est passé par la même phase de questionnement que celui d'aujourd'hui, mais n'a pas trouvé les même réponses. Avec l'apogée de l'audiovisuel, il a vu, très tôt, le sexe, la drogue, la violence... L'adolescent d'antan a fait son éducation par lui même, par ce qu'on pourrait appeler l'école de la vie. L'adolescent d'aujourd'hui voit Ashton Kutcher séduire des femmes, il trouve ça cool, et c'est le cercle vicieux de l'infidélité et du sexe en chaine, sans amour et sans compassion qui débute. L'adolescent d'autrefois ne connait du sexe que ce qu'il a lu dans les livres, ou que ce qu'il a pu exploré par lui même du haut de ses 18 ans. L'adolescent contemporain n'est pas révolté d'un iota, il ne lutte pas contre le système scolaire. Il le subit. Il voit bien que quelque chose, au fond, ne tourne pas rond, mais on lui a apprit la fatalité. Alors il se tait: c'est la naissance du je m'en foutisme. L'adolescent d'avant a encore de l'espoir. Il voit que ce n'est qu'avec de la volonté et de la perséverance qu'il arrivera a se frayer un chemin honnête, à faire en sorte qu'il puisse devenir quelqu'un avec un grand Q. Conclusion: il faut sauver notre jeunesse!


 - Poésie sur question de forme:

Mais où donc vont ces canards?

Une dose de douceur dans les péripétie tragicomique d'Holden Caulfield tout de même avec cette question récurrente qui obsède le narrateur: où vont les canards en hiver lorsque le lac est gelé? 

 

On peut voir ici un acte paradoxale: le refus de grandir d'une part, car cette question surgit souvent lors d'une discution importante où Holden devrait être concerné par autre chose. On peut y voir aussi le passage à l'âge adulte, exprimé par le transit entre l'enfance (l'anecdote en elle-même) et l'âge adulte (le contexte).

Cette question symbolise l'insouciance et l'aspect rêveur du narrateur. 

 

Le style, la forme.

En réalisant cette "étude", j'ai quelque peu revu ma position sur Sallinger (n'y a t'il pas que les imbéciles qui ne changent jamais d'avis?). En refermant le livre, j'étais presque énervé de ce portrait qui dessinait un visage plus proche de celui d'un dadet que de celui d'un adolescent. 

Je dois admettre à présent que Sallinger a bien traité son sujet, et que mon recul face à l'oeuvre était sans doute plus du à ce que j'en avais lu post-lecture qu'autre chose. Un style moyen malgré un parti pris clair et net d'un discours "adolescent"pris par l'auteur; alors certes le ton, le vocabulaire et la formulation sont totalement voulu par Sallinger, mais il n'y a franchement rien de démentiel à fournir une suite de phrase courte en subsidiant à la ponctuation des "que" un peu partout et en oubliant presque à chaque reprise les marques de la négation. C'est efficace, c'est drôle, mais ce n'est pas une prouesses littéraire, quoi qu'on en dise. Je ne peux pas m'empêche de croire que, tout en restant dans le même registre, l'oeuvre aurait pu être traité avec plus de finesse. 

 

Je lis ici et là "la naissance d'une complicité entre le lecteur et Holden Caulfield". Je ne vois pas par quel intermédiaire cette complicité passerait. L'anecdote des canards, peut être, qui aurait pu faire mouche si Sallinger n'en avait pas abusé. Ce qui était presque touchant à la première lecture et devenu dans mon fort intérieur niais et perçu comme un échappatoire, "je n'ai plus d'idée pour qu'Holden sorte de cette situation, je vais le faire penser au canard, tiens!". Les péripéties avec la prostitué? Avec les femmes en général? Avec Jane? Au contraire! On a plus envie de le secouer et de lui dire "REVEILLE TOI" qu'autre chose.

 

Par contre, un grand bravo à l'écrivain pour le portrait de l'adolescent d'autrefois, qui, je pense est assez fidèle à cette image. Loin d'être dévergondé, un peu incompris... etc. Sallinger parvient, si ce n'est à nous faire aimer son personnage qui mériterait une paire de gifle, au moins à nous encrer réellement dans l'ambiance d'une époque. Et ça c'est fort et rehausse quelque peu ma note.

L'attrape-coeurs, de J.D Sallinger ne mérite selon moi pas plus que la moyenne de 10/20, bien noté, et je m'excuse d'avance auprès de ceux qui trouverait cette critique un temps soit peu iconoclaste. Je ne suis pas de ceux qui juge qu'il ne faut pas touché aux grands de ce monde sous pretexte qu'ils ont été admis par tous. Se faire son opinion avant toute chose, n'est ce pas le plus important?

 

C'est sur cette interrogation que je vous laisse, la prochaine critique portera sur Splendeurs et misères des courtisanes. Mais avant elle, je vous livrerais une chronique sur Frederic Beigbeder qui ouvrira la section "Auteurs" du blog. En attendant, je vous souhaite, comme à l'accoutume, tout le bonheur du monde!

 

Byron.

Publié dans Livres.

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D
<br /> Salut,<br /> Je te lis toujours avec intérêt. J'aime le ton et la franchise de tes critiques, ça change.<br /> Cordialement<br /> http://lire56.over-blog.com F.M<br /> <br /> <br />
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